Les rencontres humaines successives, impulsées par la mission handicap m’ont permis de retrouver mon estime de moi. »
Peintre en décors de cinéma, Elisabeth Février, cinquante-trois ans, mène sa carrière avec succès pendant près de 30 ans, jusqu’à ce qu’une hernie discale la contraigne à se reconvertir et à enseigner le dessin. Un pari gagné grâce, notamment, à une confiance en soi retrouvée, que lui a apportée la mission handicap de la production audiovisuelle qui l’accompagne depuis plus d’un an.
Un coup d’œil derrière le rideau de l’Opéra de Paris et elle comprend: c’est là, dans cette fourmilière où tant de personnes s’activent, qu’elle voudra travailler. Elisabeth Février est alors âgée d’à peine plus de vingt ans, elle étudie les arts graphiques dans une école d’Arts Appliqués et cette visite scolaire à l’opéra lui offre une révélation: elle veut devenir décoratrice. Pas question de céder aux sirènes de la publicité ou de la conception de stands, ce à quoi pouvait aussi la conduire son diplôme. Pour elle, ce sera le monde des décors de cinéma, de théâtre…
Et elle y parvient… presque! Elle ne sera pas décoratrice, mais chef peintre de décors. Elle se spécialise sans vraiment l’avoir choisi, simplement parce que les projets s’enchaînent. En 28 ans, Elisabeth peint une centaine de décors. Mais impossible de lui faire dire celui qu’elle a préféré: « C’est comme si vous me demandiez mon peintre favori! », se plaint-elle, tout en lâchant dans un sourire le nom d’un ou deux peintres… « C’est à chaque fois une aventure humaine et technique. Humaine parce qu’on travaille à plusieurs, parfois en province ou à l’étranger. Et technique parce qu’il ya toujours un challenge de temps et de résultat à relever. »
« Je ne pouvais plus faire n’importe quoi avec mon corps«
Elle travaille bien, beaucoup, sans rencontrer de difficultés pour effectuer ses heures et conserver son intermittence. Jusqu’à ce qu’un matin de 2016, elle ne puisse se lever.
Elle avait auparavant rencontré d’autres problèmes de santé, dont elle parle à mots couverts, pour surtout souligner qu’elle avait toujours pu « tricher« , ne rien en dire, faire avec. Mais l’hernie discale qui la rattrape il y a deux ans change la donne, du tout au tout: « Je ne pouvais plus faire n’importe quoi avec mon corps. »
Peintre de décors est un métier très physique. Les toiles peuvent faire plus d’une centaine de mètres carrés, il faut se mettre debout dans des positions peu ergonomiques, ou à quatre pattes, huit heures d’affilée… Impossible pour Elisabeth de continuer à exercer son métier et elle a le sentiment d’avoir alors « tout perdu« . Et elle se retrouve sans ressources. Faute d’avoir pu conserver son intermittence, elle ne perçoit pas non plus d’indemnités journalières. Son conjoint et elle s’endettent pour survivre, et physiquement, elle soufre, terriblement.
Un premier rendez-vous décisif
Pendant quelques mois, Elisabeth peine à reprendre le dessus. « J’avais perdu toute confiance en moi. » Et puis, une fois de plus, volontaire, tenace, elle prend d’un coup LA décision qui lui sort la tête de l’eau: « Un matin, je me suis secouée. Je ne pouvais pas continuer à pleurer sur mon sort tous les jours, et ce n’est pas dans mon caractère. J’ai retrouvé un vieux courrier d’Audiens, que je n’avais jamais vraiment lu. Ils proposaient qu’on les contacte en cas d’accident de parcours. »
Elle considère que le premier rendez-vous avec Sarah Minski, chargée de projets à la mission handicap de la production audiovisuelle a été « décisif » pour la suite.
L’intervention de cette mission, dont l’un des objectifs consiste à accompagner de façon individuelle les professionnels du secteur de l’audiovisuel confrontés à des problématiques de santé ou en situation de handicap, a d’abord été d’aider Elisabeth à faire valoir ses droits sociaux et résoudre ses difficultés administratives. Ensuite, pour l’aider à travailler son nouveau projet professionnel, la mission l’a mise en contact avec le séminaire d’aide au retour à l’emploi Audiens Etre handicap.
La confiance en soi retrouvée, clé de la réussite
Là, elle a pu participer à des séances collectives et individuelles, lui permettant de faire le point sur ses compétences ou de présenter son projet devant les autres participants. Un accompagnement sur-mesure et individualisé qui lui a permis de constater qu’elle n’aurait pas besoin de suivre de formation complémentaire et, surtout, de reprendre confiance en elle: « Les rencontres humaines successives, impulsées par la mission handicap m’ont permis de retrouver mon estime de moi. J’étais brisée, je me suis vue rechargée en énergies positives. En croyant à mon projet, en m’écoutant, ces personnes m’ont redonné le moral et la foi. Je n’avais pas besoin que l’on m’aide à savoir ce que je voulais faire. Je me connais, je savais! Mais j’ai eu besoin de soutien pour atteindre mon but. »
Depuis quelques semaines, Elisabeth donne des cours de dessin pour adultes dans un atelier de loisirs près de chez elle. Elle n’a pas encore assez d’élèves ni suffisamment d’heures de cours. Mais elle s’appuie sur le bouche à oreille et des opérations de communication pour, à la rentrée prochaine au moins, gonfler son volume d’activité. Et en attendant, même si sa rémunération reste insuffisante, elle se réjouit de recréer un esprit de troupe, un travail d’équipe, une saine émulation entre ses élèves.
Pas après pas, sa réinsertion professionnelle se confirme et elle continue d’être accompagnée, au travers de rendez-vous par la mission handicap de la production audiovisuelle. Elle lui a permis de négocier le virage de sa carrière professionnelle.